Que peuvent avoir en commun British Airways, Cathay Pacific, Aeroflot et Air France ? Bien sûr, ce sont toutes des compagnies aériennes, mais ce n’est pas la réponse. Toutes ces entreprises figurent dans des archives de la NSA (National Security Agency) et de son homologue britannique divulguées par Edward Snowden. Cette cybersurveillance publiée dans des documents que le journal Le Monde a pu étudier grâce à un partenariat exclusif avec le site d’information américain The Intercept et qu’il publie cette semaine.
Big Brother est partout. Même à des kilomètres au-dessus de la Terre. C’est ce que l’on apprend dans un article du quotidien français en date du 7 décembre 2016. Plusieurs compagnies aériennes dans le monde ont été ciblées par les agences de renseignement américaines (NSA) et britanniques (GCHQ) dans le cadre d’un programme d’interception des communications mobiles à bord des avions commerciaux.
Espionnage à 10 000 mètres d’altitude
Les archives de la NSA nous apprennent entre autres que pour effectuer cette cybersurveillance sur un téléphone, il suffit qu’il soit à une altitude de croisière de 10 000 pieds. « Le signal transitant par satellite, la technique d’interception se fait par des stations secrètes d’antennes au sol. Le seul fait que le téléphone soit allumé suffit à le localiser, l’interception peut alors être croisée avec le registre des passagers et les numéros des avions, pour mettre un nom sur l’utilisateur du Smartphone », peut-on lire dans l’article du quotidien français.
Une note interne de la NSA affirme que 50 000 personnes avaient déjà utilisé un téléphone portable en vol en décembre 2008. Un chiffre qui atteint 100 000 en février 2009. Pour l’agence américaine, les explications de cet engouement sont simples : « de plus en plus d’avions équipés, la crainte recule de voir l’avion s’écraser, pas aussi cher qu’on le croyait ». Et de conclure : « le ciel pourrait appartenir à la NSA ».
Objectif de cette cybersurveillance : la collecte de données
L’agence américaine n’est pas la seule à s’être laissée tenter par l’exploration de nouveaux terrains d’espionnage. De l’autre côté de l’Atlantique, le GCHQ (Government Communications Headquarters) a lancé son programme « Southwinds » dont l’objectif est de « collecter tout le trafic voix et data, métadonnées et contenu des connexions à bord des avions ».
En 2012, l’organisation notait que 27 compagnies aériennes avaient déjà permis aux passagers d’utiliser un téléphone portable ou étaient sur le point de la faire. Le GCHQ citait alors British Airways, Singapore Airlines ou encore Lufthansa. A cette époque, le programme était déjà opérationnel sur la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique). Il est alors question d’atteindre une couverture mondiale en 2013.
Les vols Air France, cibles privilégiées de la cybersurveillance
D’après les archives transmises par l’ancien consultant de la NSA, les communications des passagers de dizaines de compagnies aériennes ont été mises sur écoute. Celles d’Air France seraient tout particulièrement concernées. La compagnie française apparaîtrait dans un document de l’agence américaine daté de 2005. Document qui aurait permis de fixer les grandes lignes du projet de « traque des avions du monde entier ». La NSA y recense sous forme chronologique et détaillée les principales étapes de ce programme dont l’objectif est d’ « éviter un nouveau 11 septembre ». On y apprend notamment que dès 2003, la CIA considère les vols Air France et Air Mexico comme des cibles potentielles des terroristes.
Dans ce mémo, signé par le numéro 2 de l’une des principales directions de la NSA, chargée du renseignement d’origine électromagnétique, on apprend également que pour le service juridique de l’agence de renseignement « il n’y a aucun problème légal pour cibler les avions de ces deux compagnies ». Il précise même « qu’ils devraient être sous la plus haute surveillance dès qu’ils entrent dans l’espace aérien ».
Des informations démenties
Dans Le Monde et les documents dévoilés par Edward Snowden, Air France est devenu « un tel symbole de la surveillance des communications en avion que les services britanniques utilisent un croquis pleine page de l’un de ses avions pour illustrer le fonctionnement de l’interception en vol ». La compagnie aérienne a rapidement démenti toutes ces informations. Elle rappelle que « les communications vocales ne sont pas possibles depuis ses vols ». Elle précise également qu’en 2007 « un système de communication GSM a été testé sur un avion moyen-courrier pour quelques semaines. Ce premier test n’ayant pas été concluant, le projet a été définitivement abandonné ».