En Octobre, nous avons la chance chez oodrive de recevoir Idriss Aberkane, docteur en neuroscience, conférencier, entrepreneur, enseignant à Centrale Supélec, jeune chercheur à Polytechnique et professeur au MBA de Mazars. Notre Head of Marketing, Emmanuelle Servaye, s’est entretenue avec lui à propos des impacts et opportunités dévoilés par la crise que nous vivons. Mais cette fois-ci, nous nous sommes davantage attachés à l’aspect humain et c’est en partie ce qui rend ce podcast si intéressant ! Cet article retrace donc, dans les grandes lignes, les points abordés lors de cet échange.

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Les impacts de la crise de la Covid-19 sur l’humain

L’anti-fragilité

Mais que peut bien signifier ce mot ? Il s’agit là d’un concept véhiculé par Nassim Nicholas Taleb, probabiliste de formation, qui se fonde sur ce principe : ce qui ne me tue pas me rend plus fort. Cela caractérise les systèmes intelligents, donc par définition, nous, les humains, sommes anti-fragiles. Le postulat de Nassim Nicholas Taleb c’est que plus un système est prévisible, plus il a tendance à être fragile. Or notre fonctionnement mondialisé est suroptimisé depuis les années 70 jusqu’à nos jours. Cela en fait donc un système profondément fragile. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé avec la crise des Subprimes : nous sommes allés au bout de la suroptimisation des titres financiers sur ce pari fou que le marché de l’immobilier américain ne baisserait jamais… A postériori, ce dernier a bel et bien (bien) baissé ! Nous pouvons également prendre ce postulat d’un autre point de vue, celui du hasard. Un système qui craint le hasard est fragile et à contrario, un système qui se renforce dans le hasard est « anti-fragile ».

Or, nous sommes dans une période de transition intense voire de changement de civilisation, où les systèmes anti-fragiles vont être privilégiés. Nous pensons ici aux entreprises, aux individus, aux familles ou encore aux nations. Dans les temps à venir, et c’est même déjà le cas, nous l’avons tristement constaté avec la crise sanitaire actuelle, on ne pourra plus prétendre que le hasard n’existe pas. Considérer de facto que demain ressemblera à hier. Cette prise de conscience, pour rester dans une optique positive, est un formidable vivier d’opportunités.

Le cerveau humain, le meilleur ennemi des mauvaises nouvelles

Il est désormais presque de notoriété publique que notre cerveau, si formidable soit-il, accorde malheureusement davantage d’importance aux mauvaises nouvelles qu’aux bonnes. Et cela est parfaitement naturel, c’est d’ailleurs scientifiquement prouvé. Mais pourquoi ? Et bien cela vient du principe Life Diner Principal (Life/Diner Principal en anglais), tel qu’il est nommé en biologie. Plus explicitement, pourquoi le lapin court-il plus vite que le renard ? Et bien parce que le renard court pour un repas, et le lapin, pour sa vie. Et c’est là toute la différence ! En général, dans le cerveau, les mauvaises nouvelles sont associées à un risque de mort, alors que les bonnes sont liées à une chance de manger ou de se reproduire.

C’est pourquoi, en des temps pour le moins troublés comme ceux que nous vivons actuellement, nous sommes plus enclins à fixer les conséquences négatives de ces changements culturels et organisationnels. Par mutation culturelle j’entends par exemple le port du masque et par évolution organisationnelle je pense entre autres à la redynamisation territoriale impulsée par le recours massif au télétravail.

Communication non verbales et port du masque

Il faut savoir que nous sommes l’espèce que détient le plus de muscles fasciaux et en cacher la moitié tout au moins, a de sérieuses conséquences sur notre communication mais également sur l’apprentissage de celle-ci, par les enfants, à la crèche, à l’école, en famille, dans la rue… Après, fort heureusement, il existe des effets rebond. On pourrait peut-être en imaginer un : l’arrêt du port du masque obligatoire pourrait éventuellement encourager nos enfants à porter plus d’attention à toutes ces subtilités humaines communicatives que sont nos expressions du visage !

Transformation numérique et redistribution territoriale

Que penser de l’invitation du travail chez soi, avec le déploiement massif du télétravail ?

Cela va peut-être rebattre les cartes très inégalement réparties de l’accès au travail. Rembobinons un peu le temps. L’arrivée de l’ascenseur a permis une répartition horizontale des classes sociales. C’est cette invention qui a poussé les gens vers la banlieue et c’est cette répartition qui est une composante de la crise des banlieues. La construction du métro parisien également, pensée exclusivement pour l’Exposition Universelle à destination des touristes, est responsable de cet éloignement du travail et de l’habitat pour une partie de la population. Paris est d’ailleurs la seule ville où on peut apercevoir la station suivante en se penchant sur le quai. Nous n’observons une si courte distance entre les arrêts ni à Londres, ni à Moscou, ni à Singapour pour ne citer que quelques villes. Dans la capitale russe par exemple, les stations de métro sont espacées en moyenne de 2,5 km. Cette distance permet de réduire considérablement le temps de transport et permettre ainsi un plus large accès à l’emploi, par conséquent, une meilleure distribution.

Alors si, grâce au recours massif au télétravail, on exclut presque cette variable du « temps de transport », cela ouvre en effet de grandes opportunités. Encore faut-il savoir les saisir pour en explorer le plein potentiel. Pour constater une redynamisation territoriale, il serait nécessaire de repenser une distribution nouvelle de l’hexagone pour l’accès au travail d’un côté et l’accès aux services de l’autre.

Quelques exemples internationaux

En termes de redistribution territoriale nous pouvons citer la Suisse et l’Allemagne par exemple. Ces deux pays sont très décentralisés et par conséquent les opportunités d’emplois sont mieux réparties. Concrètement, cela signifie que si quelqu’un perd son travail à Berlin, cette personne a de fortes chances de retrouver le même à Munich ou Hambourg. Ce n’est absolument pas (encore ?) le cas pour la France. Quelqu’un perd son emploi à Paris, il n’a pas beaucoup d’opportunités de retrouver une embauche à Toulouse ou à Bordeaux. Et c’est aussi cette dynamique, ou plutôt cette absence de dynamisme que la démocratisation du télétravail peut déjouer.

Sinon, il y a également l’option de relocalisation de capitale, comme au Canada par exemple : Vancouver en capitale industrielle, Toronto pour la finance, Montréal pour la culture et Ottawa pour la politique. Ou bien l’Australie, pour laquelle on peut considérer qu’elle détient 4 capitales.

En effet, nous avons grâce à cette crise inédite de belles opportunités à saisir, qui pourraient induire de multiples conséquences bénéfiques. Encore faut-il savoir s’en servir et ne pas passer à côté. Rappelons-nous que le World Wide Web a été inventé en France et en Suisse et que ni l’une ni l’autre n’ont, à l’époque, saisi l’opportunité de faire d’internet le vivier d’emplois et d’innovations que nous lui connaissons aujourd’hui.

Redistribution territoriale et sociologie

Bien sûr, d’un point de vue sociologique cette redynamisation de l’hexagone est une très bonne nouvelle. D’une part, cet exode, ce « retour à la terre » instaure aussi une prise de conscience écologique plus large car plus concrète.

D’autre part, d’un point vu plus focalisé sur « l’humain », nous constatons en ville une hypercortisolémie. C’est-à-dire que le cortisol, hormone du stress, est décuplée en raison de la tension environnante et d’un dérèglement du rythme circadien (jour/nuit) à cause de la pollution lumineuse. Les citadins ont tendance à s’endormir avec un taux de cortisol élevé et un taux de mélatonine faible puis à se réveiller avec l’inverse. Or, c’est le contraire qui est plus souhaitable ! Car le cortisol n’est pas mauvais en soi, c’est l’hormone qui aide au réveil à « bien démarrer » la journée dirons-nous. Et la mélatonine, c’est l’hormone du sommeil. L’invitation du travail dans notre intimité peut et est, nous l’avons vu au travers de plusieurs études et témoignages sur le sujet, être une source de stress supplémentaire. Mais le télétravail est encore un phénomène de masse trop jeune. Le monde du travail avait des étiquettes, des façons de fonctionner approuvées ou non, selon les pays. Il va falloir faire disparaitre ces injonctions et cela va prendre du temps, petit à petit cela va se réformer et prendre sa juste place dans nos vies.

Travail à distance oui, mais qu’en est-il des cours à distance ?

Depuis le 1er confinement, le homeschooling est devenu la norme pour l’enseignement supérieur, en France. Encouragé dans certains pays, déconseillé voire interdit dans d’autres, ce système d’éducation divise. Concernant notre pays, le fait d’avoir une instruction centralisée est lié à notre histoire, au fait que nous avons été un empire colonial. Les pays qui n’en n’ont pas n’ont pas ressenti ce besoin de centraliser pour contrer l’éventuelle récession. Ainsi, notre besoin de politiser l’éducation ne date pas d’hier et c’est cet ancrage profond qui fait qu’il est peu probable de voire ce système éducatif perdurer en France. Mais est-ce vraiment un mauvais point ? Rien n’est moins sûr. Au regard de tout ce que nous constatons sur la gestion des données, la sécurité informatique et le besoin toujours plus croissant de souveraineté numérique, serait-il souhaitable que des acteurs comme les GAFAM rentrent dans notre système éducatif ?

L’impact des écrans, forcément plus présents dans notre quotidien

Nous sommes en droit de nous demander si cette nouvelle façon de communiquer, de travailler, de discuter par écrans interposés ne va-t-elle pas redessiner les contours de nos relations sociales ?

C’est certain qu’une telle mutation a d’un côté des opportunités à saisir et de l’autre des risques à éviter. Nous sommes déjà au fait des dérives que les écrans appellent ; mauvais comportements, trolling, sentiment d’impunité… Oui, car l’humain est bien plus enclin à la conciliation par exemple, en face à face. Avec un écran, les conséquences de nos actes sont bien moins palpables.

Mais nous observons également une sorte « d’agrandissement culturel ». En effet, nous nous habituons de plus en plus à avoir des interlocuteurs internationaux.

Je pense que s’il y a quelque chose à mondialiser de toute urgence, c’est l’expérience. 

Idriss Aberkane

Prenons l’exemple Game Stop. Il s’agit de petits porteurs qui se sont réunis sur toute la planète pour mettre à mal la spéculation boursière à la baisse. Ces spéculateurs avaient alors parié sur la fermeture des points de vente de jeux, confinement oblige. Et ces petits porteurs, au lieu de manifester dans la rue, ont fait entendre leurs voix en achetant pléthore d’actions Game Stop. Et cela a totalement déjoué les spéculations à la baisse.

Les écrans sont les vecteurs de ce genre d’initiatives nouvelles et positives. Pour terminer, oui, nous ne pouvons que constater que l’informatique est de plus en présent dans nos vies. Était-ce déjà le cas avant la pandémie ? Oui. La crise sanitaire accélère-t-elle ce phénomène ? Surement. Toute innovation présente des aspects positifs et négatifs. La patience pour adopter une bonne gestion est primordiale. Il faudrait simplement rappeler un principe fondamental selon Idriss Aberkane : que l’humain reste supérieur à ses créations.

Nous avons les cartes en main pour remodeler notre héritage. Cette crise nous apporte une remise en question qui peut nous être salutaire si nous parvenons à en saisir les opportunités. L’humain est un « anti-fragile », l’homme de Neandertal était sur-adapté à l’ère glacière, il a donc disparu puisqu’en incapacité de s’adapter à tous les climats. Contrairement à l’homo sapiens sapiens. Nous sommes ceux qui s’adaptent à tous les climats, à toutes les situations.

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